André Popp, l’un des derniers grands compositeurs français est mort samedi en région parisienne, et avec lui sans doute une certaine idée de la musique légère, sautillante, audacieuse et pleine d’humour, qui chasse les nuages et transporte les cœurs. De la musique qui fait «Popp» littéralement (son vrai patronyme et non un pseudo). Autodidacte, né en 1924 à Fontenay-le-Comte en Vendée, André Popp fait ses gammes sur l’harmonium de la paroisse, remplaçant au pied levé l’abbé mobilisé pour la guerre. «J’adorais aller improviser vers 5 heures, quand l’ombre commençait à tomber sur la chapelle, ça me donnait des frissons», a déclaré le nonagénaire espiègle dans sa dernière interview, diffusé le jour même de sa disparition sur France Musique. Plus attiré par Messiaen et Ravel que par Bach ou Pierre Schaeffer qui le faisait «un peu chier».

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Grenouille de studio plutôt que de bénitier, Popp monte à Paris avec Jean Broussolle, futur Compagnon de la chanson, en 1945. Le duo s’oriente avec succès vers le cabaret, et compose pour Bourvil ou Catherine Sauvage. Le pianiste, passé par les Trois Baudets met le pied à la radio via le Club d’essai, fabuleux labo où se retrouvaient artistes, écrivains, et musiciens, dès le début des années 50. Le poète Jean Tardieu puis Henri Dutilleux lui commandent des œuvres de musique légère et symphonique. A la tête d’orchestres de plus en plus larges, Popp y développe ses talents d’arrangeur, roi des orchestrations insolites qui reflètent son goût pour les timbres bizarres et les dissonances.

Inclassable hurluberlu

Il a travaillé pour les plus grands -de Juliette Greco à Céline Dion en passant par Marie Laforêt, et réalise plusieurs albums avec Boris Vian en tant que directeur artistique. Mais il restera à jamais dans le cœur des petits, avec son indémodable conte symphonique de 1957, Piccolo, Saxo et compagnie. Longtemps numéro un au hit-parade des mange-disques, il initie les enfants à la musique et aux familles d’instruments, en compagnie de Piccolo, la petite flûte, et Saxo, le roi de l’impro. «Ce premier contact a été un enchantement. Il s’en dégage une poésie, une fantaisie, une impression de facilité très éloignée de ce qu’on apprend ensuite au conservatoire, dit Bertrand Burgalat, du label Tricatel, qui lui consacra en 2002 la compilation Popp Musique. Et fit redécouvrir cet inclassable hurluberlu, cousin de Jean-Jacques Perrey ou de Raymond Scott, qui convie des orchestrations sophistiquées à de petites chansons sans prétention, fait rimer symphonie et variété, classique et expérimental.

Pour Burgalat, «André n’a jamais été prisonnier de son bagage musical, il a pu aborder toutes sortes de domaines avec la même fraîcheur, sa musique est une musique de la joie». Et qui poussait loin l’expérimentation sonore comme dans le disque culte qu’est Elsa Popping [pseudo d’André Popp et Pierre Fatosme] et sa musique sidérante, joliment rebaptisé Delirium in Hi Fi. Difficile d’imaginer le déploiement d’inventivité qu’il a fallu pour commettre des sons pareils en 1958. Ce disque avant-gardiste qui revisite des standards, est bourré de trucages réalisés avec les moyens de l’époque (bandes ralenties, inversées, premiers échos et delays…)

Popp nous remémore aussi l’époque où la France gagnait à l’Eurovision, où l’on était capable de créer une variété exigeante et élégante. Après sa première ritournelle, les Lavandières du Portugal, devenue tube planétaire, il compose Tom Pillibi pour Jacqueline Boyer consacrée par le concours en 1960. En 1967, il réalise une nouvelle mélodie pour l’Eurovision, l’Amour est bleu, commandée par le Luxembourg qui fait le tour du monde, avec ses 40 millions d’exemplaires vendus, toutes versions confondues.

 André Popp en quelques titres :

Marie LECHNER